Tandis que se prépare la conférence de Londres, nous devons déjà parer aux conséquences de son échec probable

Désormais deux Allemagnes

Nous avons désormais deux Allemagnes. Avec le recul, nous nous apercevons que toute la politique d'occupation soviétique a visé à cette coupure. Dans un premier temps, les Russes ont ruiné leur zone occupée. Ils ont démantelé les usines. La chose ne s'est pas faite sans discernement. On a ruiné l'économie de l'Allemagne Orientale, mais seulement jusqu'au point nécessaire pour amener l'Allemand au standard de la vie du Russe. On a démantelé les usines, mais jamais celles qui étaient nécessaires pour maintenir l'économie allemande dans l'orbite soviétique. L'intégration économique que nous opérons en Sarre par la prospérité, l'URSS l'effectue dans sa zone par la misère. Au fond, sa zone est une immense Sarre.

Le fait est  encore plus net dans l'agriculture. On a supprimé les grands propriétaires. Ce faisant, on a ruiné sciemment une région de culture extensive dont le cheptel et le matériel ne s'accommodent pas du morcellement. Aussi devra-t-on revenir à la culture extensive. On le fera sous une forme prétendue coopérative. Disons plus simplement qu'on créera des kolkozes.

Bien entendu, si l'URSS coupe l'Allemagne en deux ce n'est qu'une préparation pour l'occuper toute entière. Les cent mille hommes de Von Paulus sont réunis à cet effet.

Devant cette menace, le problème allemand ne se pose plus dans les mêmes termes de sécurité qu'auparavant. Une question prime : empêcher que l'Allemand ne soit anschlussé par l'URSS.

Reconnaissons-le : les Anglo-Saxons voient juste quand ils considèrent qu'il faut avant tout réorganiser l'Allemagne Occidentale de telle façon qu'elle ne subisse pas l'attrait de la zone soviétique.

Au point où en sont les Allemands, on ne les tient guère que « par le ventre ». Aussi serons-nous obligés à une certaine remontée de l'Allemagne.

Mais où nos Alliés se trompent entièrement, c'est quand ils pensent qu'on peut faire cette séparation sans prendre de garanties profondes. Reconstituer l'économie allemande n'est prudent qu'en intégrant cette économie dans celle de l'Europe de telle sorte que toute initiative de l'Allemagne de s'en désintégrer ne puisse qu'asphyxier cette dernière. Des opérations analogues à celles que nous réalisons dans la Sarre devraient être faites entre la plupart des régions allemandes et les voisins de l'Allemagne.

On maintiendrait à ce pays, dans le cadre du fédéralisme, une unité politique qu'il désire. Par contre, on procéderait à un morcellement économique.

Le gouvernement français se ralliera-t-il à cette thèse ? Ce qu'il doit comprendre c'est que la question allemande, dès l'échec certain de la conférence de Londres, ne se posera plus dans les mêmes termes qu'auparavant. À l'opinion et aux spécialistes de trouver des thèmes de remplacement gardant à défaut de la lettre, l'esprit des fameuses thèses françaises et qui permettent d'assurer notre sécurité dans les conditions nouvelles que pose la coupure en deux de l'Allemagne.